Elles sont love addict ou accro à l’amour, au Québec et en France, on les appelle les « dépendantes affectives ». Biberonnées à la princesse de conte de fées, ces femmes ne peuvent pas vivre hors de l’état amoureux : c’est pour elles une vraie drogue. Plus que l’homme qui partage leur vie, elles sont accro au sentiment d’en être amoureuse. Des amoureuses de l’amour, en somme…
Depuis 1999 et la parution de Ces femmes qui aiment trop de Robin Norwood, la notion de dépendance affective a été popularisée. Les fondateurs de l’Association des Dépendants Affectifs Anonymes du Québec expliquent sur leur site: « La dépendance affective est un problème plus répandu qu’on ne le croit et qui affecte les relations interpersonnelles. Ce trouble se développe chez les individus issus de familles dysfonctionnelles. L’enfant qui a grandi dans un milieu marqué par le manque de communication et d’affection, la violence, l’alcoolisme, l’abus ou la négligence peut développer un sentiment de honte. Cette honte, qui se traduit par une faible estime de soi, engendre des relations malsaines avec soi-même et avec les autres « .
Jalousie maladive, difficultés à faire confiance, besoin de contrôle surpondéré par rapport à la moyenne, faible estime de soi en tant que personne indépendante hors couple, mais surtout attachement excessif à l’autre : tels sont les principaux signes de votre dépendance affective, pour l’association des Dépendants Affectifs Anonymes de Toulouse, qui ont listé 12 critères vous permettant de savoir si vous faites partie des DA ou pas. Séverine n’a, par exemple, jamais été célibataire : après un divorce, elle a sauté de relations en relations, en en cumulant parfois plusieurs, sans pouvoir se faire face à elle-même. « Je devenais délirante, j’interdisais à mon boyfriend avec qui je sortais depuis six mois de sortir sans moi, s’il le faisait je le harcelais de textos pour le faire culpabiliser… à la St Valentin, je lui ai offert une montre en or. Lui m’a offert une rose : j’ai alors réalisé que mes attentes étaient démesurées. »
Dans un documentaire Thema diffusé récemment sur Arte, des accros à l’amour se sont dévoilés : quête d’amour absolu, exigences élevées, haute idée de ce que doit être une relation à deux… Les répondeurs inondés de messages demandant « Où es-tu ? Que fais-tu ? », les collections de « signes du destin » prouvant que la dépendante affective et sa cible du moment sont faits pour être ensemble, les déclarations d’amour enflammées que l’on écrit plus pour soi-même que pour le destinataire officiel… le documentaire ne laisse rien au hasard, pas même l’enfance des protagoniste, dans laquelle la DA prendrait sa source, ou les aspects sombres de la dépendance affective : « Je me disais, en attendant son appel, je pourrais faire autre chose, mais… le vrai problème des dépendants affectifs, c’est qu’ils n’ont pas de vie à eux, hors de l’amour » témoigne face caméra une amoureuse de l’amour, expliquant qu’elle voulait sans doute transformer son compagnon en une sorte d’idéal.
« J’étais comme un petit insecte qui va se faire écraser » confie alors son partenaire de l’époque. « Je me sens emasculé » confirme Dorian, en couple avec une dépendante affective. « Ce n’est pas moi qu’elle veut, c’est un genre de prince charmant à ses ordres, à sa botte, façonné à son style…» en précisant qu’il a été relooké dès leurs premiers mois de relation, avant qu’elle n’ait fait le ménage dans ses relations amicales. « Ca lui fait plaisir, ça lui donne l’impression d’exister…» concède le jeune homme. Si les dépendants affectifs souffrent clairement d’une névrose, leurs compagnons ne sont pas en reste et ne sont jamais choisis au hasard : c’est souvent une réflexion à mener en couple.
Dans son étude sur la dépendance affective et les besoins humains, parue dans La Lettre du Psy, volume 3, Michèle Lavirey décrypte : « La personne reporte sur ceux qui font partie de sa vie actuelle le pouvoir de confirmer sa valeur comme personne. Comme tout individu inconscient de son transfert ou incapable de le résoudre, elle répète compulsivement des tentatives qui la mènent dans des impasses ».
En clair, la dépendante affective souffre de failles narcissiques, failles qu’elle comble dans le regarde d’autrui. Cet autrui peut être un compagnon, mais aussi plus tard un enfant – ou des followers… C’est le regard d’autrui qui lui donne de l’importance à ses propres yeux, privée de ce regard, elle revit une trop grande souffrance. Souvent, la dépendance affective n’est que le symptôme d’un autre mal plus profond, que seule une analyse pourra véritablement faire jaillir.
Moralité: les filles bien n’avalent pas, elles tombent amoureuses
Marie Minelli